La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) et l’épreuve de la gouvernance.
La langue française serait-elle aujourd’hui anachronique et inutile sur la scène internationale? En tous les cas, c’est ce qu’on entend régulièrement ici ou là dans les medias ou dans les instances de concertation multilatérales. Nous pouvons répondre à cette question par un non emphatique. Car les faits s’obstinent à démontrer que la langue française est bien vivante et qu’elle continue d’être le medium d’échanges et de communications sur tous les continents.
De ses origines en France, le français est aujourd’hui la langue officielle ou co-officielle de 32 Etats et gouvernements membres de I’OIF. Réduire l’usage du français à un « snobisme » dépassé, c’est méconnaitre ou prétendre ignorer ses dimensions historiques, géographiques et démographiques, politiques, culturelles et économiques. Y’a t-il des snobs qui parlent français? Bien-sûr, comme il y a des snobs qui parlent beaucoup d’autres langues, mais tous ceux qui parlent français ne le font pas par snobisme. Ceux qui saupoudrent leurs conversations en anglais par des expressions, telles que « un je ne sais quoi »; « avant-garde », « carte blanche », « chargé d’affaires », « crème de Ia crème », « éminence grise », « entrepreneur», « femme fatale », « film noir », « force majeure » et j’en passe, le font-ils par snobisme, ou parce qu’ ils trouvent dans ces expressions une façon singulière de capturer et d’exprimer, un fait, un concept, une idée? On peut répondre sans risque de se tromper que ces mots empruntés du français par des anglophones constituent « le mot juste » dans bien de contextes. Beaucoup de francophones apprécient l’élégance des formes de la langue française, la richesse et la diversité des idées et pensées qu’elle véhicule. La littérature d’expression française est variée et très riche, allant de Victor Hugo à Birago Diop, de Flaubert à Hampate Bah, de Césaire a Maryse Condé. C’est dans cette langue qu’Edith Piaf, de souche Kabyle, a émerveillé ses fans d’Amérique et du monde entier, que Charles Aznavour, de son Arménie natale, berce les mélomanes sur les 5 continents et que Manu Dibango nous chante, dans sa voix au timbre unique, les douceurs du coucher du soleil sur un village africain.
A travers le monde, on compte aujourd’hui 220 millions de francophones repartis sur les 5 continents : 87,5 millions en Europe, 79,1 millions en Afrique subsaharienne et dans L’Océan indien, 33,6 millions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, 16, 8 millions en Amérique et dans la Caraïbe, 2, 6 millions en Asie et Océanie. (1) Autrement dit, le Soleil ne se couche jamais en Francophonie. Et puisque nous célébrons le mois de la Francophonie ici aux Etats-Unis, laissons quelques chiffres parler : Aux Etats-Unis, l’attrait pour le monde francophone est bien enraciné et tend à se renouveler. J’en veux pour preuve le développement de l’enseignement bilingue dans les écoles publiques de New York, les demandes d’inscription dans les Lycées français, la qualité des études francophones dans les universités, les multiples activités culturelles proposées dans les Alliances françaises à travers le pays.
A cet égard, le mois de mars, « mois de la Francophonie », voit fleurir de nombreuses initiatives festives, de New York à la Californie, de Rhode Island à la Louisiane et la Floride, de l’ Illinois au Texas en passant par Washington, afin de partager la diversité des accents et des saveurs francophones, comme l’étendue de ses productions culturelles et artistiques.
Le français est la 4e langue après l’anglais, l’espagnol et le chinois (toutes variations groupées).
On ne compte pas mains de 16 journaux et publications de langue française.
II y a des dizaines d’écoles, de lycées et de centres d’apprentissage du français.
II existe plusieurs stations de radio qui émettent en langue française.
Six des 44 présidents américains parlaient français (John Adams, Thomas Jefferson, James Monroe, John Quincy Adams, Theodore Roosevelt et Franklin Roosevelt).
lci même, à New York, il y a de fortes chances que vous puissiez discuter en français, de foot ou bien encore de philosophie, avec le chauffeur de taxi qui vous conduit à l’aéroport JFK, ou bien encore au siège des Nations Unies.
TV5 Monde, operateur principal de la Francophonie et première chaine culturelle mondiale de télévision francophone, est diffusée 24 h sur 24 par câble ou par satellite dans plus de 200 pays, ce qui en fait l’un des 3 plus grands réseaux de télévision, aux cotes de MTV et CNN. En outre, elle est diffusée en continu aux Nations Unies. S’appuyant sur 10 chaines partenaires francophones, le contenu pluraliste de ses programmes est sous-titre dans 12 langues (allemand, anglais, arabe, coréen, espagnol, français, japonais, néerlandais, portugais, roumain, russe, et vietnamien). TV5 Monde est également un media reconnu pour l’apprentissage du français avec des outils et des programmes spécifiques utilisés par 56 000 enseignants abonnes et 61 000 apprenants.
II est toujours utile de rappeler que le français, présent dans les systèmes d’enseignement du monde entier, est la deuxième langue la plus apprise après l’anglais. Si la pratique du français tend à diminuer par endroits, elle s’étend à de nouveaux foyers dans des pays non francophones, comme la Chine, l’lnde ou encore le Brésil, dont les adhésions récentes à l’agence universitaire de la francophonie (AUF) montrent l’importance de la langue française dans les échanges internationaux. La défense et la promotion du français à l’échelle mondiale n’est pas seulement un enjeu linguistique, c’est également un enjeu de diversité culturelle, qui s’accompagne de la défense de toutes les langues dans une logique de réciprocité. Car une langue n’est pas seulement un outil de communication. Toute langue est aussi porteuse de concepts, de valeurs, de modèles, de savoirs, d’imaginaires. La tendance à entériner dans les enceintes internationales la suprématie d’une langue sur toutes les autres dans les champs diplomatique, scientifique, technologique, culturel ou économique équivaut à une uniformisation de la pensée et à un appauvrissement culturel et intellectuel considérable pour l’humanité. (Convention internationale sur la promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles, UNESCO, 2005). C’est dans ce sens que les chefs d’Etats et de gouvernements membres de la Francophonie, ont lancé un appel à « relever le défi politique du multilinguisme », en accord avec le principe défendu par le Secrétaire général des Nations unies, Monsieur Ban Ki Moon, selon lequel « le multilinguisme doit être perçu comme l’autre versant du multilatéralisme ». La Journée internationale de la Francophonie, célébrée chaque année le 20 mars au siège de I’ONU a New York, est aussi l’occasion de réaffirmer les valeurs de solidarité et de dialogue des cultures qui motivent les actions de l’Organisation internationale de la Francophonie pour œuvrer à la paix, à l’amélioration des systèmes démocratiques et juridiques, à la défense de la dignité et des droits fondamentaux humains, à la construction d’une réelle égalité entre hommes et femmes, à l’élargissement de l’accès à l’éducation et à la formation, et à la coopération pour un développement durable.
Le 20 mars est aussi un moment important pour se tourner vers l’avenir. Dans la majorité des 77 pays membres de I’OIF, 60% de la population est aujourd’hui âgée de mains de 30 ans.
En 2050, les francophones seront près de 700 millions dans le monde, et la majorité de ces francophones seront Africains. Aujourd’hui, la République démocratique du Congo est le pays francophone le plus peuplé. Autrement dit, le français n’est pas en train de disparaitre. Je peux même dire que, comme l’anglais, l’espagnol, le portugais, et l’arabe, le français est une langue africaine.
La jeunesse francophone est l’une des immenses richesses de l’Afrique. C’est sur ces jeunes, filles et garçons, que repose la force d’attraction de la langue française ainsi que le développement économique, la stabilité, et la prospérité de notre continent. Comme le dit le secrétaire général de I’OIF, Abdou Diouf, « La Francophonie, c’est vouloir susciter les jeunes vocations, révéler les jeunes talents pour s’adjoindre leurs compétences. La Francophonie, c’est donc avoir l’audace de penser que nous avons ensemble une emprise sur notre destinée commune ». C’est pourquoi nous disons aujourd’hui « Place aux talents », pour relever les défis et créer, ensemble, les conditions nécessaires pour répondre aux attentes et aux aspirations de la jeunesse.
(1) Sources: Données statistiques pour 2010, de l’observatoire de la langue française, francophonie.org