Légitimer une rupture de l’ordre démocratique dans le langage diplomatique : Analyse du cas de Robert MUGABE

L’insurrection populaire burkinabè de 2014  avait déjà laissé entrevoir le piège dans lequel s’enlise très souvent la communauté internationale prise entre le discours normatif du respect des ordres démocratiques et la volonté des sociétés africaines d’en finir avec des gouvernants coupable d’un irrespect du contrat social sur la base duquel ils ont pourtant été élus. Un an plus tard, la tentative de putsch avortée du CND avait permis de comprendre la primauté de la légitimité empirique sur toute autre forme de légitimité dans la gouvernance. La démission du président Zimbabwéen Robert MUGABE et, sa mise en résidence par l’armée a permis de rendre à l’évidence : Dans le champ diplomatique, les acteurs multilatéraux et les gouvernants ont imprimé dans le discours, cette primauté de la légitimité empirique qui, permet à un gouvernant d’institutionnaliser son pouvoir. Surtout, ils ont intériorisé le fait que la perte de cette légitimité empirique permet au peuple, de désavouer les gouvernants ayant, par leur modèle de gouvernance, rompu le contrat social. Le réside donc dans une forme de subtilité du discours, lequel, sur le champ diplomatique, est d’une clarté.Alors que, par son modèle de gestion du pouvoir alliant coercition et clientélisme, MUGABE avait réussi à déjouer les pronostics de la longévité au pouvoir, sa dernière trouvaille qui est une volonté de patrimonialisation du pouvoir en imposant son épouse en tant que successeur putative, a été la cause de la révolte de l’armée qui lui était pourtant fidèle. On assistera ainsi à la fin d’un régime précaire et à bout de souffle. Cette rupture d’un ordre constitutionnel (même si dans la forme, elle n’en est pas une dans la mesure où l’armée ne s’est pas officiellement emparée du pouvoir) n’a pourtant pas, sur le plan diplomatique, été fermement condamnée par les grands acteurs de l’ordre démocratique mondial. Ainsi, à l’exception du président en exercice de l’Union Africaine, Monsieur Alpha CONDE qui s’est manifesté par des propos de principe fermes (« nous n’accepterons jamais un coup d’Etat militaire  au Zimbabwe» a-t-il déclaré dès les premières heures des actions de l’armée zimbabwéenne), la tendance était plutôt dans le discours, à la préservation de la sécurité et de la paix dans le pays…ou au mutisme (se taire, c’est laisser faire). Ainsi, alors que les présidents de l’Angola et de l’Afrique du Sud proposaient une médiation (sans condamner de manière officielle comme l’a fait Alpha CONDE), le président de la Côte d’Ivoire Alassane OUATTARA a clairement tourné la page de l’ère MUGABE en reconnaissant de manière implicite l’aspect anachronique de sa gouvernance : « Le monde a changé et ce qui se passe au Zimbabwe interpelle tous les hommes politiques pas seulement les chefs d’Etats africains. Il faut que le président Mugabe puisse quitter ses fonctions dans la dignité. C’est ce message que j’ai transmis au président de l’Union Africaine » a-t-il affirmé. Quid de la position des structures multilatérales hors Afrique ? Dans son cuminique qui sonne aussi une volonté d’en finir avec un régime avec lequel elle avait des points de divergence, l’Union Européenne, toujours prompt à réagir avec fermeté sur les normes de la démocratie et des droits de l’Homme, réagira timidement : « Nous appelons toutes les parties concernées à passer de la confrontation au dialogue avec pour objectif une résolution pacifique » déclarera Catherine RAY, la porte-parole de la commission des affaires étrangères de l’Union. Quant à l’ONU, elle s’est simplement inquiétée de la situation sécuritaire du pays. Enfin, l’Angleterre, ex puissance coloniale du Zimbabwe s’est alignée sur la position ivoirienne. Monsieur Boris JOHNSON, le ministre anglais des affaires étrangères a ainsi affirmé que « tout ce que le Royaume-Uni a toujours voulu, c’est que les Zimbabwéens puissent décider de leur avenir lors d’élections libres et justes. L’ambition dévorante de Mugabe les a privés de ce droit ». Cette destitution d’un président démocratiquement élu par l’armée, et les réactions sur la scène diplomatique qui ont suivi démontrent une chose : malgré la légitimité en termes de procédures démocratique dont ils bénéficient, les gouvernants africains doivent travailler à toujours consolider leurs relations avec les peuples, par la réalisation du contrat social promis ; faute de quoi, ils s’exposent à des sanctions similaires au président MUGABE. La déclaration du président ivoirien Alassane OUATTARA sonne donc comme un avertissement que les régimes ayant perdu toute légitimité empirique  ne sauront être soutenus aveuglement au nom du principe du triomphe de l’ordre démocratique.

admin01-caardis

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