Grandes conférences annuelles, Paris, juin 2019

Les grandes conférences annuelles du Centre africain d’analyses et de recherches diplomatiques et stratégiques (CAARDIS), Paris, 12, 13 juin 2019

      THEME DU JOUR :

SE LEGITIMER A L’EXTERIEUR : LA POLITIQUE ETRANGERE EN AFRIQUE ; CAS  DU BURKINA FASO

  Dr Windata ZONGO

LA POLITIQUE ETRANGERE ENTRE CONCEPTUALISATION THEORIQUE ET  PRATIQUE.

        Dans son article publié en 1959, l’ambassadeur Léon Philippe Jules Arthur Noel définissait la politique étrangère comme étant  « l’art de diriger les relations d’un Etat avec les autres Etats ».[1] Plusieurs décennies plus tard, le contexte international marqué par l’émergence d’une diversité d’acteurs dans les relations internationales a entrainé un élargissement de cette pratique. Ainsi,Marcel Merle la définit en 1984 comme « la partie de l’activité étatique qui est tournée vers le dehors, c’est-à-dire qui traite, par opposition à la politique intérieure, des problèmes qui se posent au-delà des frontières ».[2] L’analysant dans ce contexte global, Jean Fréderic Morin la définit comme  l’action de l’Etat  « déployée dans l’environnement international»[3] et Fréderic Charillon parle de «  l’instrument par lequel l’Etat tente de façonner son environnement politique international, mais elle n’est plus seulement une affaire de relations entre des gouvernements ».[4]La politique étrangère est une pratique publique dont l’objectif est de « réaliser au mieux des objectifs de l’Etat au sein du système international »[5]et pour laquelle on peut distinguent trois étapes[6] dans l’élaboration :

  • La pratique : qui se caractérise par la prise de décision, les ressources.
  • L’opérationnalisation : qui se traduit par le discours qui lui est consacré.
  • Le contexte : définit par la situation géopolitique.

Comme pour le cas de plusieurs autres concepts du champ des relations internationales, l’origine de la politique étrangère remonte au besoin de sécurité des gouvernés dans les entités politiques « face aux groupes rivaux »[7]depuis l’antiquité. Cette tâche incombait au gouvernant, détenteur du pouvoir qui, « est à la fois le chef politique et militaire, et c’est à ce double titre qu’il assure la paix comme dans la guerre, la fonction de représentation et de relation avec le monde extérieur au groupe qu’il dirige » depuis l’antiquité. Cette tâche incombait au gouvernant, détenteur du pouvoir qui, « est à la fois le chef politique et militaire, et c’est à ce double titre qu’il assure la paix comme dans la guerre, la fonction de représentation et de relation avec le monde extérieur au groupe qu’il dirige ».[8] Cette vision d’une forme de relations avec l’extérieur qu’assurent les gouvernants sera ainsi développée par  les auteurs de la philosophie politique. Dans Le prince, Machiavel  conseille aux gouvernants, une politique étrangère impérialiste afin de dominer les entités politiques voisines pour assurer la sécurité du royaume. Les contractualistes  comme Hobbes, Grotius, et Locke, développent également l’idée d’actions à/avec l’extérieur afin d’assurer la sécurité des gouvernés.[9]  En définitive,  « l’exercice de ce que nous appelons aujourd’hui la politique étrangère aurait été fondateur du pouvoir et garant de sa légitimité ».[10]  Cette légitimité conférée aux gouvernants  d’entreprendre des actions extérieures a ainsi justifié la création de ministères dédiés à la politique étrangère. Le premier  ministre des Affaires étrangères fut nommé  en France lorsque  la conduite de la politique extérieure fut confiée à Louis de Revol, secrétaire d’Etat  d’Henri III. Mais c’est avec le cardinal de Richelieu, premier ministre de Louis XIII, que ce ministère connu une réelle impulsion en termes de stratégie et de discours légitimant.[11] Ce qui a contribué à le placer  comme l’instigateur d’un ministère des Affaires étrangères pour l’intérêt d’Etat.  La paix de Westphalie signée en 1648 sonne l’émergence d’un l’Etat de type légal-rationnel. Dans ce contexte, les relations inter Etats sont régies par  un cadre normatif inspiré de l’œuvre grotiènne. L’action étrangère  de l’Etat dans ce contexte, consistera en l’établissement  de relations de type sécuritaire et économique avec d’autres Etats, qu’assure un département des affaires étrangères doté d’une légitimité institutionnelle. L’aspect normatif de cette pratique prendra une envergure mondiale du XIXème au XXème siècle avec notamment la première convention de Vienne en 1815 qui intensifie cette horizontalité dans les relations entre Etats que le droit international régit. Elle se sert notamment de son outil qui est la diplomatie.  La diplomatie, définie par le cardinal de Richelieu comme étant une négociation continuelle, est un outil de la politique étrangère qui consiste en l’art de la négociation. Son origine, comme pour  celle de la politique étrangère, remonte aux périodes antiques.[12]Le traité de commerce conclu entre le roi de Chypre et le pharaon d’Egypte 500 ans avant Jésus Christ en constitua le premier du genre auquel s’ajouteront les traités conclus entre les cités grecquent durant la guerre du Péloponnèse. Dès la fin du moyen âge, les accords diplomatiques deviennent une pratique légitime et seront définis  comme pratique officielle à Venise (la première entité politique à envoyer des représentants permanents à l’étranger)  puis en France. Bernard du Rosier dans le Court traité sur les ambassadeurs définit à cet effet, les prérogatives des premiers diplomates français. Avec l’avènement de l’Etat moderne suite au traité de Westphalie, la diplomatie devient  un outil au service du ministère des Affaires étrangères dans le cadre  des négociations avec les autres Etats. Cette tendance connaitra durant la période du XXIe, quelques changements structurels liés notamment à l’introduction de nouveaux acteurs et de nouvelles modalités de communication.

 I : LES ENJEUX DE LA POLITIQUE ETRANGERE AU XXIe SIECLE.

       L’avènement du multilatéralisme, et la diversité  d’acteurs qu’il crée (ONG, OIG, Multinationales) un siècle plus tard, entraine un bouleversement dans les relations internationales. On passe ainsi d’un ordre international à un ordre mondial avec outre l’Etat, l’émergence d’autres type d’acteurs. Les interactions entre acteurs internationaux n’échappent pas au domaine académique. En effet, dans le champ des relations internationales, on assiste  à une conceptualisation de la politique étrangère qui devient un  terrain d’analyse au même titre que plusieurs autres concepts des relations internationales. L’analyse de la politique étrangère (APE) émerge aux Etats-Unis dans les années soixante en tant que sous discipline méprisée. Elle s’affirmera, notamment grâce à Graham Tillett Allison qui, dans son ouvrage Essence of decision ; explaining the cuban missile crisis [13] publié en 1971,  contribue à apporter  une scientifisation et un décloisonnement des choix et actions  extérieurs de l’Etat. La sphère diplomatique a assisté  l’émergence de nouveaux acteurs non étatiques s’impliquant dans les négociations sur les grandes questions internationales : les organisations non gouvernementales et internationales, les firmes et multinationales, les organisations régionales, les régions… L’arrivée de ces nouveaux acteurs a nécessité la redéfinition de la pratique diplomatique. Désormais, il existe plusieurs types de diplomaties qui vont de la traditionnelle diplomatie  étatique aux diplomaties multilatérale, la para-diplomatie, la diplomatie  publique, la diplomatie coercitive, le transnationalisme… La diplomatie, « gestion des relations internationales par la négociation », [14]devient dans ce contexte, « la pratique par laquelle les Etats et les acteurs non étatiques réconcilient par la voie officielle de la négociation, leurs intérêts concurrents ou divergents ».[15]De nos jours, tous les Etats disposent non seulement de représentations diplomatiques hors de leurs territoires dans le cadre des relations inter Etats, mais aussi de représentations au sein des institutions internationales dans le cadre des négociations multilatérales. En définitive, le contexte multilatéral a eu pour conséquence d’entrainer l’émergence de plusieurs types de diplomaties ayant chacun une légitimité sur la scène internationale.

II : LA POLITIQUE ETRANGERE EN AFRIQUE.

   A partir du milieu du XXe siècle, on assiste à une série d’émancipation des territoires africains de la tutelle des puissances coloniales. L’Afrique anglophone et l’Afrique francophone voient émerger des Etats de type légal-rationnel dont la souveraineté sera reconnue par l’organisation des nations unies (ONU). Cette forme de légitimation les permet ainsi de faire leurs pas dans un monde bipolaire. Quel qualificatif peut-on faire des actions extérieures des Etats africains post-indépendance ? Cela se traduit non seulement dans le champ du discours adopté (anti-colonialiste)  et des postures  diplomatiques adoptées (pro est ou pro ouest), que dans celui des obligations bilatérales. Ainsi, les premières actions diplomatiques de l’Etat en Afrique indépendante seront un mélange entre discours  d’affirmation de l’identité africaine et partenariats de développement avec l’un ou l’autre des deux camps. Cette volonté de développement sera à l’origine de stratégies diverses à l’international, selon le temps et le gouvernant. Le cas de la politique étrangère burkinabè en constitue une des nombreuses illustrations.

A : Le cas du Burkina-Faso : Esquisse des politiques étrangères burkinabè depuis l’indépendance.

    1 : les premières actions  étrangères d’un pays indépendant.

A l’image de la politique étrangère de la plupart des pays indépendants au début des années soixante, la Haute-Volta adopte une posture d’affirmation de son identité africaine vis-à-vis du monde occidental, tout en coopérant avec lui. Le premier président Yaméogo participe ainsi dans ses actions extérieures, au mouvement né de la dynamique de Bandung, tout en nouant une coopération avec le monde occidental dont les plus illustratives sont celles initiées avec les Etats-Unis et la France. Les régimes d’exception qui suivirent la gouvernance Yaméogo quant à eux, (les présidents Lamizana, Zerbo et  Ouédraogo) s’inscriront, dans  la forme, dans le discours de l’école de la dépendance. Les relations diplomatiques  dans ces circonstances environnementales (la grande famine des années soixante-dix) entrainent toutefois un nécessaire partenariat avec  l’ouest avec l’objectif de permettre au pays de  sortir de la spirale de la famine endémique et de permettre au pays de tisser des partenariats stratégiques. Le conseil national de la révolution qui advient en 1983 viendra entamer une nouvelle fois, cette dynamique affaiblie.

   2 : La politique étrangère de la révolution démocratique et populaire RDP.

Le 04 août 1983, la révolution démocratique et populaire (RDP) avec à sa tête le capitaine Thomas Sankara, s’empare du pouvoir. Le tribun capitaine légitime son action par la crise que vit l’élite militaire au pouvoir accusée de servir les intérêts de l’occident, et discourt sur une gouvernance de vertu qui prône les valeurs de l’amour de la patrie,  la solidarité et la probité. Sur la scène internationale, sa gouvernance est marquée par un durcissement d’un discours de rejet du monde occidental qualifié d’impérialiste et d’oppresseur, et d’une diplomatie de la contestation de l’ordre multilatéral très favorable à ce monde occidental. Il y affiche son appartenance au mouvement des non-alignés, et défend la cause palestinienne, dénonce le régime de l’apartheid, et manifeste sa proximité avec les régimes au discours anti occidental assumé (Lybie, Madagascar, Mozambique…). Toutefois, cette diplomatie de la contestation est actionnée à dessein, contre les pays voisins de la Haute-Volta, désormais Burkina-Faso (depuis le 04 août 1984) affichant leurs affiliations au camp occidental. L’arrivée du front populaire le 15 octobre 1987  mettra fin à cette stratégie de politique étrangère du CNR que la quatrième république va prolonger.

B : L’action extérieure burkinabè sous la quatrième République.

1: La politique étrangère de Blaise COMPAORE : d’une diplomatie de survie à une diplomatie de puissance.

A la chute du président Sankara, le régime du front populaire (FP) du capitaine Blaise Compaoré dans sa logique de la rectification initie une nouvelle politique étrangère allant à contre sens avec le régime Sankara : il s’agira d’une politique étrangère corrective des méthodes jugées contreproductives de la révolution. En 1991, le Burkina Faso renoue avec la démocratie. Le président Compaoré, candidat est élu au suffrage universel. Sur le plan géopolitique, cette période correspond en Afrique de l’ouest, à une période de conflits endémiques (Libéria, Sierra-Léone) pour lesquels une présomption d’implication[16] du Burkina-Faso en tant qu’acteur extérieur,[17] est dévoilée. Selon  Hanspeeter Neuhold, « en se projetant dans une analyse des ‘‘coûts ‘’ probables de leurs violations flagrantes du droit international, les gouvernants prennent en compte les trois variables suivantes :

1 : l’ampleur des dégâts et les sanctions probables.

2 : la probabilité que ces sanctions s’appliquent à eux.

 3 : la probabilité  que leur délit soit découvert. Dans ce dilemme, les gouvernants raisonnables analyseront également les conséquences de leurs actions sur le pays et leurs proches collaborateurs, et qui s’illustreront par des sanctions matérielles ».[18]  La perception de la menace a en conséquence,  entrainé de la part des gouvernants burkinabè, le choix rationnel d’une réaction stratégique. Conscient de l’éventualité d’une menace de la diplomatie coercitive contre les élites étatiques,  les gouvernants adoptent une stratégie  illustrée  dans le champ de la politique étrangère en deux étapes chronologiques:

Dans un court terme, elle a consisté en l’élaboration d’une diplomatie de crise ayant pour objectif, de minimiser au maximum la coercition potentielle contre le pays et ses dirigeants. Quant à la seconde étape de cette stratégie, elle a consisté en une diplomatie multilatérale de long terme axée sur une contribution du pays aux efforts multilatéraux en faveur de la sécurité internationale. Cette action de diplomatie publique a un double objectif : elle permet au pays de pouvoir déconstruire l’image négative qui est la sienne à l’internationale,  pour en créer et véhiculer plutôt celle d’un pays œuvrant pour la sécurité internationale. Au fil des années, le Burkina Faso s’est illustré en tant qu’acteur étatique majeur de la sécurité internationale par sa pratique de la médiation dans les crises en Afrique de l’ouest (Côte d’Ivoire, Togo, Niger, Mali Tchad…) et sa contribution militaire dans les opérations de maintien de paix. Sur le plan géopolitique, Ouagadougou s’est érigée en capitale diplomatique de l’Afrique de l’ouest. Jusqu’à la fin du régime Compaoré en octobre 2014, le Burkina Faso jouissait au plan international, à la fois d’une image ambivalente d’acteur diplomatique imposante avec une politique étrangère de puissance en Afrique, mais également d’acteur du complexe insécuritaire régnant en Afrique de l’ouest.

  1. : La période du conseil national de la transition (CNT).

    A la faveur de l’insurrection populaire qui met fin à 27 ans de règne de Blaise Compaoré le 30 octobre 2014, le conseil national de la transition (CNT) avec à sa tête, Michel Kafando, accède au pouvoir avec pour objectif de gouvernance interne, la restauration de la légitimité empirique du pouvoir légal-rationnel.    A l’international, le régime du conseil national de la transition aura brièvement tenté de donner à la politique étrangère burkinabè, l’image d’un pays prônant sur le plan bilatéral, les relations du bon voisinage, et dans le champ multilatéral s’impliquant pour la paix et la sécurité internationale (en atteste l’implication du président Kafando dans la gestion de la crise malienne à laquelle le Burkina avait été écarté) et le régionalisme africain, jusqu’au retour de l’ordre démocratique  en 2015.

     3 : les enjeux de la politique étrangère du président KABORE.

Président d’un parti de contestation de l’ordre politique qui avait droit de cité, le président Kaboré accède au pouvoir à la faveur des élections présidentielles de décembre 2015. Son projet de gouvernance consiste, sur les grandes lignes internes, en une restauration de la légitimité des pouvoirs publics dans leur contrat social envers les gouvernés, à travers des actions fortes dans les grands axes du développement (justice, redistribution, croissance économique, lutte contre la corruption, libertés individuelles et collectives, accès aux soins de base, à l’information, à l’éducation, sécurité..) résumés dans le programme national de développement économique et social (PNDES).

Dans le champ international, le président Kaboré a travaillé à pratiquer, tout au long de son mandat, une politique étrangère d’ouverture, concourant à l’objectif de développement. Ainsi, sur le plan bilatéral, la diplomatie de l’ouverture a consisté non seulement à la consolidation des partenariats avec les historiques pays partenaires du pays, au sud comme au nord (les plus illustratifs des exemples sont les cas suivants : Côte d’Ivoire, France, Allemagne, Egypte, Qatar, Arabie Saoudite, Monaco Inde, Ghana, Mali, Niger…), mais également à la restauration de relations jadis abandonnées, avec la Chine. Dans la scène diplomatique multilatérale, l’action du président Kaboré a consisté à mettre à contribution le Burkina Faso dans la lutte pour la sécurité internationale (par la participation des troupes burkinabè aux missions de paix des nations unies, et la création du G5 sahel), la consolidation du régionalisme africain (notamment sur les questions pendantes telles que la libre circulation des personnes et des biens, la monnaie unique.), et au rayonnement international du Burkina-Faso (en favorisant une diplomatie parlementaire qui permet au parlement burkinabè de prolonger dans son champ d’action, les valeurs partagées de l’enracinement d’une démocratie participative et de la gouvernance transparente.)

III : POUR UNE CONCEPTUALISATION DE L’ACTION DIPLOMATIQUE BURKINABE.

La légitimation internationale d’un pays permet aux gouvernants  d’optimiser la sympathie et la reconnaissance des efforts entrepris par ce pays pour la sécurité internationale et les grandes valeurs démocratiques véhiculées dans le nouvel ordre mondial. Elle permet également à un gouvernant de se démarquer de son prédécesseur et d’adopter une posture qui le caractérise sur la scène internationale. Ainsi, le président américain Barack Obama s’est-il distingué de son prédécesseur en adoptant une politique étrangère basée sur la restauration de la réputation internationale entachée de son pays. Quant à son successeur Donald Trump, il s’illustre par une politique étrangère unilatéraliste de puissance (America first), niant les engagements multilatéraux d’Obama. En France, le concept  France is back  sert de créneau de politique étrangère du président Macron, axée principalement sur une diplomatie libérale, et qui permet de le distinguer de son prédécesseur François Hollande.

En Afrique, plusieurs gouvernants s’alignent sur cette conceptualisation de leur action à l’international[19]. Apres le retour du Burkina Faso à une période de démocratie en 1991, le concept de la diplomatie du développement fut introduit dans le discours des gouvernants pour caractériser la politique étrangère du pays. Dans la même décennie, l’Afrique du Sud signera son retour dans la scène politique internationale en engageant un discours diplomatique axé sur un africanisme renforcée avec comme hégémon, le leader Nelson Mandela. Ce concept de la renaissance africaine sera poursuivi dans tous les champs par son successeur Thabo Mbéki.  Au Sénégal, le président Abdoulaye Wade avait placé l’action extérieure de son pays sous le signe du leadership avec une diplomatie consacrée aux grands enjeux de la consolidation de l’intégration africaine. Il s’investira personnellement auprès de ses pairs au lancement de nouveau partenariat pour le développement africain (NEPAD) qu’il s’approprie dans son discours diplomatique. En Côte d’Ivoire, la diplomatie de l’émergence est ce qui caractérise à l’international, le discours du président Alassane Ouattara. Ce concept axé sur une diplomatie libérale dérivée de l’école de Chicago, traduit la volonté du président de replacer son pays en situation de post-conflit, au centre de l’économie dans l’espace UEMOA.

La conceptualisation d’une politique étrangère véhiculée dans la discours et adoptée dans la pratique permet donc à un gouvernant, non seulement une légitimation à l’international, mais aussi de l’identifier de ses prédécesseurs dans le champ diplomatique. Au Burkina Faso, l’action diplomatique du président Kaboré, même si elle le distingue de celle pratiquée durant la gouvernance Compaoré, n’obéit pas pour le moment, à cette logique dans le discours. De ce fait, pour marquer le pas dans le champ académique ainsi que dans celui du discours, il serait judicieux de joindre les actions entreprises par un concept. Candidat d’un parti de contestation, le candidat Kaboré a établi son projet de gouvernance sur une capitalisation des frustrations subies des années durant par les populations, et dénoncées lors de l’insurrection populaire d’octobre 2014. Quant à son action extérieure, elle constitue un point de convergence entre une volonté de promouvoir des partenariats pour le développement du pays, de rétablir des relations transparentes sur le plan bilatéral,  de  consolider les acquis du Burkina Faso en tant qu’acteur pour la sécurité internationale, et de capitaliser une  réputation internationale consolidée depuis les évènements d’octobre 2014. Il convient donc aux gouvernants, de conceptualiser cette action dans le discours, afin de la rendre plus visible et de marquer l’histoire diplomatique du continent et du pays.

                                          Conclusion.

       Longtemps abandonnée, l’action extérieure des gouvernants africains est désormais scrutée par les partisans de l’analyse de la politique étrangère (APE) qui l’intègre désormais dans le processus de consulting et d’analyses auprès des gouvernants occidentaux dans le cadre d’une meilleure compréhension du continent africain et de ses décideurs, et des organisations multilatérales. Entreprendre une démarche de conceptualisation pour un pays, permet à celui-ci de concevoir un outil de base pour une coopération transparente et bénéfique. Au Burkina-Faso, si la majorité des présidents avaient une diplomatie minimaliste axée sur le formalisme des relations diplomatiques, la tendance a changé avec le président Compaoré (diplomatie du développement, diplomatie de l’émergence). Pour imprégner sa marque dans le champ africain et international, le président Kaboré, dont l’action diplomatique, dans la pratique est distinctive et dynamique, pourrait s’aligner sur cette tendance en conceptualisant son action dans le discours.

Je vous remercie pour votre participation

ANNEXE : Le centre africain d’analyses et de recherches diplomatiques et stratégiques CAARDIS

                Entreprendre une politique étrangère stratégique grâce à une action diplomatique efficace avec l’objectif d’une meilleure compréhension des grands enjeux contemporains, d’une  participation  à l’objectif onusien de la sécurité internationale, de soigner la réputation internationale et le leadership d’un pays dans un espace régional et/ou à l’international est une  une entreprise de diplomatie publique multiforme et subtile. Dans cet objectif, les Etats, en plus des structures putatives dédiées à la politique étrangère, ont souvent recours à des acteurs non-étatiques (think-tanks, cabinets de conseil en stratégie de politique étrangère, centres de recherches…). Pour le cas du continent africain, le centre africain d’analyses et de recherches diplomatiques et stratégiques CAARDIS constitue l’un des cabinets les plus légitimes. En effet, regroupant des scientifiques de la gouvernance et de la pratique diplomatique spécialistes de l’Afrique, il  constitue un partenaire efficace  des Etats africains. Il leurs permet, en tant qu’acteur ressource, une meilleure compréhension des grands enjeux du continent, et permet l’optimisation de la prise de décisions sur le champ diplomatique. Pour ce faire, il propose les offres de prestations suivantes :

La veille diplomatique : Etudes consistant à ressortir les grands thèmes et enjeux diplomatiques, d’en assurer la trajectoire afin de permettre un suivi des acteurs et de pouvoir optimiser la prise de décision.

La veille sécuritaire : Il s’agit d’une analyse sur les acteurs politiques dans les Etas, leurs prétentions, afin de pouvoir permettre des décisions ayant pour objectifs de prévenir les risques de violence dans un pays, une région…

Les analyses géopolitiques : Elles permettent de dégager les grandes tendances d’une région du continent, d’en dégager la configuration, les jeux de puissance, la marge de manœuvre de chaque Etats, et les coalitions possibles.

L’analyse de la gouvernance politique : Cette étude de states building analyse la construction des Etats et les modalités de sa consolidation. Elle permet aussi de dégager des solutions en termes de création de structures de légitimation qui permettent de renforcer la présence de l’Etat auprès des populations, et sa légitimité.

L’organisation d’évènements scientifiques : La participation d’un Etat ou d’un acteur non étatique, à la matérialisation de l’objectif de la sécurité internationale s’illustre très souvent par la mobilisation des acteurs multilatéraux, les populations et les acteurs du monde scientifique. Ces manifestions illustrent la volonté politique d’un Etat de marquer son adhésion aux normes internationales, et sa compréhension de celles-ci. C’est un formidable outil de soft power auquel ont recours les Etats. Le centre africain d’analyses et de recherches diplomatiques et stratégiques doté de personnes ressources dans tous les champs de la pratique diplomatique, intervient en amont avec les Etats africains, dans leur soft stratégie. Il se propose d’identifier par pays, les thèmes concordants, de proposer ses experts légitimes et de communiquer auprès des autres acteurs du monde scientifique, sur la tenue des manifestations.

Le conseil : Cette activité constitue l’une des principales prestations du centre africain d’analyses et de recherches diplomatiques et stratégiques. En effet, dans l’objectif d’aider les Etats et les acteurs non étatiques dans leurs prises de décision sur le champ diplomatique, il propose son expertise pour une meilleur compréhension des enjeux directs et sous-jacents. Ce suivi permet la prise d’une meilleure décision dans le cadre des interactions diplomatiques, ainsi qu’une meilleure action dans la stratégie de public diplomacy.

Le renforcement des capacités (cours, conférences formations, séminaires…) : Le champ diplomatique s’illustre par sa complexité, sa subtilité et son cloisonnement. Dans cette dure réalité, une meilleure compréhension des grands enjeux contemporains, des discours diplomatiques, du langage diplomatique et la capacité à émettre des propositions et accroitre sa réputation internationale sont les difficultés auxquelles se heurtent les acteurs diplomatiques africains non seulement dans la sphère multilatérale, mais également dans le cadre de leurs interactions bilatérales. Le centre africain d’analyses et de recherches diplomatiques et stratégiques, disposant d’experts scientifiques et pratiques du monde diplomatiques propose dans cette perspective, des séances de renforcement de capacités aux Etats africains. Ces séances permettent à terme, une meilleure compréhension du langage et des enjeux diplomatiques. Elles permettent également d’optimiser les résultats possibles des négociations, ainsi qu’une meilleure stratégie de diplomatie publique. Pour plus d’informations, nous suivre sur www.caardis.org.


[1]  Cité par Marcel Merle, la politique étrangère, p20.

[2] Ibid., p7.

[3] Voir son ouvrage, La politique étrangère ; théories, méthodes et références, p13.

[4] Fréderic  Charillon, la politique étrangère, nouveaux regards, p13.

[5]  Claude Roosens et Bento Beja Joao, « définition et repères », De Wilde d’Estmael Tanguy, la politique étrangère, le modèle classique à l’épreuve, p25.

[6]  David Grondin, Marie-Chantal Locas, « comprendre les enjeux de la politique étrangère », Prémont Katerine, la politique étrangère des grandes puissances ; l’impossible convergence des intérêts, pp180-181.

[7]  Marcel Merle, op cit,  p18.

[8]  Ibid.

[9]  Voir chapitre I.

[10]  Marcel Merle, op cit, p18.

[11]  Il a notamment développé le concept de la raison d’Etat, maxime de  le prince de Machiavel. Plusieurs siècles plus tard, le principe de la raison d’Etat est toujours affirmé par les  gouvernants  dans leurs discours. 

[12]  Corneliu Bjola and Markus Kornprobst Markus, understanding international diplomacy. Theory, practice and ethics, p11.

[13] Première publication en 1971,338p.

[14]  Charles Philippe David, op cit, p365.

[15]  Ibid.

[16] Pour l’implication du Burkina-Faso, voir le rapport des experts des nations unies sur URL : http://archive2.grip.org/bdg/pdf/g1826.pdf

Voir aussi, Hermann Cohen Junior, Intervening in Africa; superpowerpeacemaking in a troubled continent, p132

[17] Voir pour le concept de la complexification des conflits en Afrique, Issiaka Souaré, guerres civiles et coups d’Etats en Afrique de l’ouest : comprendre les causes et identifier des solutions possibles, 2007, 294p.

[18]  Neuhold Hanspeeter, « the foreign policy cost-benefit-analysis revisited », german yearbook of international law, vol2, p87-88: « when attempting a calculation of the « cost » of a deliberate breach of international law, decision makers are likely to take following three variables into account: 1: the magnitude and the consequences of possible sanctions; 2: the probability of these sanctions being imposed on them; and 3: the likelihood of the detection of the violation. Rational governments will try to assess as precisely as possible the material and immaterial damage which could be inflicted on their state and perhaps also on their members personally as a response to an internationally wrongfull act ».

[19] Notre analyse s’intéressera ici sur les 4 cas les plus illustratifs que sont le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud et le Sénégal.

admin01-caardis

Read Previous

Symposium international sur le Dialogue des religions et des cultures : La culture et la religion au service de la paix en Afrique.

Read Next

Le Burkina Faso nouveau pôle diplomatique de l’Afrique de l’ouest : stratégie et facteurs d’une émergence

Translate »