La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) et l’épreuve de la gouvernance.
A l’issue du second tour de la présidentielle béninoise qui aura légitimé vu son accession à la magistrature suprême, le candidat élu, Monsieur Patrice Talon, déclara que cette élection présidentielle était « un référendum contre le président sortant Yayi boni ».[1] Allusion triomphaliste du vainqueur à son discours de rupture prôné contre le système Boni durant le second tour que représentait la candidature de Lionel Zinsou ? Volonté personnelle d’un langage réducteur sur la gouvernance de son prédécesseur ?
Même si les dernières périodes ont été marquées par des tâtonnements en termes d’actions publiques ayant contribué en une perte d’une certaine légitimité empirique du régime (sur les plans de l’emploi des jeunes, de la transparence dans la gouvernance économique, l’éducation), on peut retenir toutefois que, dans un registre global, plusieurs facteurs concourent à situer la gouvernance du président sortant dans une logique développementaliste. Quant au président, il constitue dans cette période de modification des ordres constitutionnels sur le continent, une anomalie.
- Le respect de l’ordre démocratique béninois
Dans son discours de légitimation de son combat contre le régime de son ancien allié Yayi Boni, le nouveau président avait attribué à celui-ci, une volonté avortée de réviser la constitution afin de briguer un troisième mandat. Cette volonté avortée serait ainsi à l’origine de la rupture entre eux, et légitime son entrée de manière directe, dans la scène politique. Prise de conscience d’une entreprise vouée à l’échec ou volonté de jouer d’une manière transparente le jeu démocratique ? Cette affirmation du président Patrice Talon avait toujours rejetée par Yayi Boni, qui a de ce fait, accepté le choix du peuple béninois aux législatives ayant conduit à la victoire de l’opposition politique : « à mon avis, c’est le peuple béninois qui a gagné puisque ça s’est passé dans la paix, que j’appelle de tous mes vœux »,[2] avait-il déclaré, tout en s’engageant à une collaboration franche avec l’opposition, dans l’intérêt de ce peuple. Dans la logique de son discours, il avait réaffirmé sa volonté de respecter la constitution : « Mon nom ne figurera dans aucun bulletin ! Même dans l’avenir ! Les candidats éventuels n’ont qu’à aller préparer leur projet de société pour pouvoir convaincre le peuple béninois ».[3] L’élection présidentielle et la victoire de Monsieur Patrice Talon aura ainsi constitué la dernière illustration du discours du président sortant.
Yayi Boni et les exigences de l’ordre démocratique.
Sur le plan de l’éthique, cette décision du président Boni permet au Benin de conforter son statut de démocratie consolidée en Afrique, qu’il a endosse depuis les périodes de décompression autoritaire dans lesquelles plusieurs pays demeurent (Rwanda, Burundi, Congo, Zimbabwe…) et que certains gouvernants ont échoué à maintenir (Burkina Faso, Sénégal, Egypte, Tunisie). Par sa décision de se conformer aux exigences de l’ordre démocratique, le président Boni s’érige en défenseur des valeurs démocratiques, et du legs de ses illustres prédécesseurs. A son successeur, il lègue un régime stable
- La légitimité extérieure
Dans le champ international, plusieurs actions contribuent à légitimer la gouvernance de Yayi Boni dont la politique étrangère s’est illustrée par son volontarisme au service de la sécurité internationale. En effet, sur la scène diplomatique, l’action du président Yayi Boni sera incontestablement marquée par son attachement aux grands enjeux africains et aux normes de la société internationale.
Dans la catégorie des enjeux africains, le président Boni fut très actif sur les questions de la sécurité régionale (crise malienne, boko-haram), et a manifesté la coopération et solidarité du peuple béninois lors des attaques au Mali, Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. En dehors d’une activité sur les questions sécuritaires, le président Boni s’est aussi impliquée dans la résolution des crises par la pratique de la médiation. On peut, dans ce registre, citer les négociations entreprises lors de la tentative de putsch du 17 septembre 2015 au Burkina Faso par le président Boni avec son homologue sénégalais Macky Sall, et son initiative entreprise pour la réconciliation des acteurs politiques au Burundi.
L’autre point fort de la politique étrangère de la gouvernance Boni représente son investissement en faveurs des normes internationales de la démocratie et la bonne gouvernance, et du principal enjeu mondial qu’est l’écologie. Dans cette optique, il a ainsi réaffirmé partout dans le monde, sa volonté de respecter l’ordre constitutionnel béninois, (contrairement à la majorité de ses pairs sur le continent), et s’est montré très actif à la cop 21 sur la place des politiques écologiques dans le continent africain. Il a ainsi discouru sur la volonté de son pays, de s’activer pour une communautarisation des négociations à l’échelle du continent, avec les partenaires multilatéraux et étatiques occidentaux. Le volontarisme et la connaissance des questions climatiques du président béninois, (illustré par une grande communication sur les acquis, et les projets de son pays dans le domaine climatique), avaient de ce fait, été salués par les hôtes de cette 21e conférence internationale sur le climat de Paris.
Le Benin « risée du monde » ?
Lors
du débat opposant les candidats du second tour de la présidentielle, le futur
président Patrice Talon reprochait à son challenger Lionel Zinsou d’être
premier ministre d’un pays « qui est la risée du monde »
principalement par la faute d’une mauvaise gouvernance de Monsieur Yayi Boni. Sur
le plan de la gouvernance économique, la mauvaise gestion de la chose publique
a été reprochée au régime Boni (comme en atteste le détournement de 4 millions
d’euros dans les fonds de coopération néerlandaise en faveur de l’eau potable
au Benin, et le système opaque d’attribution de certains marchés). De même,
certaines promesses électorales dans le domaine social n’ont pas été tenues.
Toutefois, on peut affirmer que loin d’être une risée du monde, le Benin s’illustre
plutôt par son appropriation au principe de la démocratie à travers un respect
de l’ordre constitutionnel par un dirigeant en fin d’exercice. Dans une Afrique
dominée par les entorses constitutionnelles par lesquelles se distinguent les
présidents en place, on peut affirmer que Yayi Boni dans cette logique, fait
office d’anomalie, pour la grandeur et l’image internationale du peuple
béninois.
[1] Voir URL : http://www.lemonde.fr/afrique/video/2016/03/21/presidentielle-au-benin-cette-election-est-un-referendum-contre-le-president-sortant-boni-yayi_4887127_3212.html
[2] http://www.rfi.fr/emission/20150610-boni-yayi-president-republique-benin
[3] Ibid.